Un prix honore la consolatrice des parents des lycéennes enlevées en 2014 au Nigeria

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Un prix honore la consolatrice des parents des lycéennes enlevées en 2014 au Nigeria

Joël Burri
25 août 2017
Fondatrice d’une association apportant des soins et œuvrant pour la paix dans les régions touchées par Boko Haram, Rebecca Dali a reçu lundi à Genève le prix Sergio Vieira de Mello, le prix des droits de l’homme des Nations unies.

Photo: Rebecca Dali entourée de son mari Samuel (à gauche) et du journaliste Illia Djadi. ©World Watch Monitor

Figurant parmi les premières personnes à s’être rendue à Chibok, au nord-est du Nigeria pour consoler les familles des 276 lycéennes enlevées par Boko Haram en avril 2014, Rebecca Dali a reçu lundi à Genève le prix Sergio Vieira de Mello —prix des droits de l’homme des Nations unies — pour le travail de l’association qu’elle a fondée, le CCEPI - Centre for Caring, Empowerment and Peace Initiatives (Centre pour les soins, l’émancipation et les initiatives en faveur de la paix). Dans cette région où le groupe islamiste Boko Haram sème la terreur, cette organisation apporte des soins médicaux à toute personne quelle que soit sa religion, lutte contre le VIH/SIDA, et soutient les personnes les plus vulnérables telles que les veuves.

Docteure en éthique et philosophie et épouse du président de l’Eglise EYN, dont faisaient partie la plupart des lycéennes enlevées en 2014, Rebecca Dali a elle-même été victime de la violence qui règne au Nigeria. Depuis 2011, elle est sans nouvelle de son fils sorti en ville voir un ami et aucun corps n’a été retrouvé. En août 2014, elle a été enlevée puis relâchée par Boko Haram et en septembre de la même année elle a dû tout abandonner pour fuir, avec son mari, la maison dont s’emparaient des militants.

Journaliste au World Watch Monitor, une agence qui rapporte les violences dont sont victimes les chrétiens, Illia Djadi a rencontré Rebecca Dali en 2015. Spécialiste de l’Afrique de l’Ouest, il s’est rendu sur place pour enquêter sur l’enlèvement des lycéennes. «Je savais que ces filles étaient en grande partie liée à EYN, j’ai donc pris contact avec cette Eglise», explique-t-il. Très vite mis en contact avec Rebecca Dali, il a été touché par son engagement et a rédigé plusieurs articles la concernant. «Je lui ai dit qu’elle méritait le prix Nobel de la Paix pour le travail qu’elle fait avec des gens de toutes religions. En 2015, je suis venu assister à la remise du prix Sergio Vieira de Mello décerné à trois responsables religieux qui ont œuvré pour le dialogue interreligieux en République Centrafrique, cela m’a donné l’idée de présenter Rebecca Dali au jury de ce prix.»

Donner une telle visibilité au travail de cette femme n’est-il pas dangereux? Ne risque-t-elle pas des représailles? Pas d’inquiétudes pour Illia Djadi. «Elle connaît les gens de Boko Haram; et ils la connaissent. Ils savent qu’elle vient en aide aux chrétiens, comme aux musulmans. D’ailleurs quand elle a été enlevée, elle a été libérée, c’est bien la preuve que son travail et respecté.» Peut-être même que la crainte de s’attirer des malédictions si l’on s’attaque a une femme de Dieu joue son rôle.

Un risque calculé

Le journaliste insiste: «Boko Haram surveille ce qui se dit et s’écrit sur eux. Ils aiment certains médias comme la radio-télévision anglaise de service public BBC, à cause de son aura dans le nord du Nigeria elle est perçue comme un moyen de faire passer leur message. Alors qu’ils en détestent d’autres qui les critiquent».

Etre reconnu comme critique du mouvement représente donc un risque qui n’empêche pas, le journaliste de se rendre régulièrement en Afrique de l’Ouest. «Je parle anglais, français et ma langue maternelle est le Haoussa. Je passe donc inaperçu en pratiquant les trois principales langues de la région», se rassure le reporter originaire du Niger et basé à Londres. «Je calcule les risques que je prends.»

Pour Illia Djadi une grande distance sépare les rédactions occidentales de l’Afrique. «Il faut comprendre des tendances générales, mais se souvenir que chaque cas est particulier», insiste-t-il. «Souvent, les journalistes ne connaissent pas assez l’Afrique pour comprendre les enjeux. Ils écrivent donc des articles partiellement corrects, qui sont ensuite repris par d’autres médias. Par exemple en Centrafrique, on peut ainsi lire régulièrement qu’il s’agit d’un conflit entre groupuscules musulmans et mouvement d’autodéfense chrétiens. En réalités ces groupes sont davantage animistes et s’en sont déjà pris à des chrétiens.»