Violence: le cri d'alarme des pasteurs bernois et jurassiens

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Violence: le cri d'alarme des pasteurs bernois et jurassiens

30 mars 2000
Une étude montre que la moitié des pasteurs bernois et jurassiens subissent des violences: coups et blessures, menaces de mort, injures, lettres et téléphones anonymes, dégâts à la propriété
Et le phénomène n'est pas nouveau. L'analyse du sociologue Michel Vuille, spécialiste de la violence contemporaine. On imaginait les hommes d'Eglise à l'écart de certaines dures réalités. Une étude réalisée par l'Union du personnel de l'Etat de Berne prouve le contraire. . Elle montre que les pasteurs bernois et jurassiens subissent des violences. Sur les 218 pasteurs interrogés, la moitié fait état de coups et blessures, menaces de mort, insultes, lettres et téléphones anonymes, animaux domestiques tués, locaux paroissiaux dévastés, violation de domicile, voiture endommagée, perturbation du culte. L'éventail est large et particulièrement traumatisant. Pire, cette violence touche également leurs enfants qui essuient les moqueries des camarades ou de certains membres du corps enseignant, quand ils ne sont pas frappés à la récréation. Et le phénomène n'est pas nouveau: les pasteurs exerçant depuis longtemps rapportent davantage d'actes de violence que leurs collègues plus jeunes.

Ces résultats apportent une base solide aux craintes nées au lendemain de l'affaire "Calmonte", du nom de ce pasteur de Thoune qui, au printemps 1999, avait dû fuir la ville et partir se cacher avec sa famille suite à des menaces de mort insoutenables. Brisé par cette expérience, Toni Calmonte avait eu pour seul tort de s'exprimer en faveur des réfugiés.

Loin d'être un cas isolé, l'étude démontre que l'aide aux réfugiés suscite plus que jamais la violence. "Dans le climat de xénophobie actuelle, les pasteurs bernois me paraissent très exposés du fait que leur Eglise reçoit des mandats de l'Etat pour s'occuper des étrangers", commente Claude Bovay, de l'Institut d'éthique sociale de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse.

Dans le reste de la Suisse romande, la situation semble moins tendue. Du côté de l'aumônerie des réfugiés de l'aéroport de Genève, on rapporte des téléphones anonymes et des lettres injurieuses, mais rien visant l'intégrité physique ou morale des pasteurs. C'est qu'il existe une différence de taille: en Suisse romande, ce sont les cantons qui prennent en charge les requérants d'asile. Dans le canton de Berne, ce sont les communes. Ce qui implique une plus grande proximité. Entre concitoyens, on se connaît et on sait qui s'occupe des réfugiés dans son activité professionnelle. D'où un risque accru d'agressions ciblées.

§La fonction avant l'hommeD'après l'étude, les agresseurs sont des personnes souffrant de maladies psychiques, d'alcoolisme, de pauvreté, de difficultés conjugales, mais aussi des collègues ou des mendiants qui n'ont pas reçu d'argent. A l'évidence, on en veut davantage à la fonction qu'à l'homme. On s'attaque au représentant de l'Etat, symbole de l'ordre établi, qui devient le catalyseur de toutes les frustrations. Pour Claude Bovay, cette situation révèle un "dérèglement social, où l'on passe à l'acte au lieu de protester par le vote ou d'autres moyens démocratiques". Le fait que les pasteurs hésitent à porter plainte, considérant souvent qu'il s'agit des risques du métier ou que leur fonction le leur interdit, accroît encore la probabilité d'être agressé: "Ce sont des cibles faciles", poursuit Claude Bovay.

Comme remède à la violence, l'étude recommande de porter la question devant l'opinion publique, d'offrir un accompagnement aux victimes et de redresser l'image des Eglises protestantes dans la société. Elle met aussi le doigt sur un changement d'attitude à opérer au niveau des autorités ecclésiales par trop indifférentes à la personne du pasteur: "Les Eglises réformées doivent davantage se solidariser avec les pasteurs comme étant leurs plus importants représentants". "Cette étude nous permettra de soumettre la question à nos autorités afin de les rendre plus attentives à notre condition", conclut Lucien Boder, pasteur à Malleray.