Histoires de cœur !

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[pas de légende]

Histoires de cœur !

Matteo Silvestrini
14 mai 2023
Faut-il toujours écouter son cœur ? Une Plume d’Erguël du pasteur Matteo Silvestrini, paru dans la Feuille d’avis du district de Courtelary vendredi 12 mai.

Dans l’Italie des années nonantes, l’écrivaine Susanna Tamaro avait sorti son livre Va où ton cœur te porte, et elle avait eu beaucoup de succès. Le roman est plaisant à lire. C’est l’histoire d’une grand-mère qui, sentant la mort approcher, écrit des lettres à sa petite-fille, en lui racontant sa vie. L’intrigue tourne autour des secrets de famille, son mariage arrangé et son « infidélité » qui lui a permis de connaître l’amour. Le titre résume le conseil de cette grand-mère, qui invite sa petite fille à n’avoir pas peur de suivre ses sentiments, de suivre son cœur.

Ce souhait m’a maintes fois questionné. S’il est indispensable, pour notre bien-être, de nous pacifier avec nos sentiments et nos expériences de vie parfois situés dans des zones grises de la morale, il me semble aussi indispensable de n’être pas, tout le temps, centrés sur la subjectivité de nos sentiments et désirs, ballotés de manière acritique par des aspirations qui risquent d’être parfois puériles. En effet, dire que nous allons toujours là où le cœur nous porte, risque d’être une excuse banale pour justifier l’inconsistance de nos choix.

J’ai donc l’impression que, s’il faut à tout prix parler de cœur, il vaut mieux tourner la phrase comme ceci : « emmène ton cœur partout où tu vas ». Emmener mon cœur partout où je vais, c’est une manière forte et élégante pour affirmer que là où je vais, que cela concerne des choix pris en toute légèreté, ou des choix mûrement réfléchis, je n’oublie pas d’y mettre mon cœur, d’y mettre moi-même, d’y mettre du courage, de la sincérité, de la douleur, de l’empathie ! Cette attitude valorise à la fois nos sentiments, l’importance de prendre en compte la complexité de nos ressentis et en même temps elle nous permet de ne pas l’utiliser comme excuse pour tout et n’importe quoi. Nous devenons ainsi protagonistes du lieu où nous voulons aller. Ce n’est pas le cœur qui nous mène quelque part, mais nous emmenons avec nous le « cœur » là où nous allons. C’est le défi de nous positionner toujours dans la vérité de ce que nous sommes, sans complaisance, mais en y mettant du « cœur ». Vaste programme ! Pour l’assumer et le porter à bon port il nous faut une bonne dose de courage, de l’exercice et beaucoup d’humilité. Permettons-nous donc de ne pas tant aller là où notre cœur nous mène, mais de plutôt emmener notre cœur partout où nous allons !