Un chant sexuellement explicite crée la polémique à la Cathédrale

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Un chant sexuellement explicite crée la polémique à la Cathédrale

11 juillet 2023
Un spectacle au contenu explicite, donné ce samedi à la Cathédrale de Lausanne lors du Festival de la Cité, déconcerte les autorités religieuses. Il a pourtant été validé par les Affaires religieuses du Canton. Explications.

Parler d’éjaculation en la Cathédrale de Lausanne, est-ce possible? Il semble en tout cas que, pendant le Festival de la Cité, cela soit autorisé. Samedi, à 19 heures, le spectacle de l’artiste français non-binaire Gérald Kurdian, «Hot Bodies Choir», une chorale réunissant «des personnes désireuses de partager et d’élargir leurs pratiques féministes et queer», a célébré l’amour charnel et l’inclusivité par le chant, et ce de façon plutôt sexuellement explicite. En effet, l’un des premiers hymnes, baptisé «Ejaculate» – les paroles étaient projetées sur un écran posté derrière les choristes –, a passablement choqué plusieurs spectateurs. Ainsi que d’autres paroles, évoquant notamment des «vulves volantes». L’affaire a été révélée par le journaliste Raphaël Pomey, rédacteur en chef du journal «Le Peuple», qui a d’ailleurs partagé une photo du show sur les réseaux sociaux ce lundi et lancé une pétition en ligne ayant déjà dépassé le millier de signataires.

Sur la page web de la pétition en question, intitulée «Respectez les lieux de culte!», Raphaël Pomey formule plusieurs demandes: que «les personnes qui ont la charge de faire respecter les lieux expliquent comme ils ont pu accueillir une chorale au registre très en-dessous de la ceinture» et «des excuses publiques pour les chrétiens blessés par un tel spectacle».

Pasteure pas au courant

Chose étonnante, selon le Règlement sur l’utilisation de la Cathédrale, toute utilisation non religieuse du lieu doit être validée par la Commission d’utilisation (CUT) dont font notamment partie «la pasteure en charge de l’animation cultuelle» du lieu et un représentant de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) désigné par le Conseil synodal». Contactée, lundi, la pasteure de la Cathédrale Line Dépraz affirme que le spectacle incriminé n’a «jamais été évoqué» lors des réunions de la commission. De son côté, le conseiller synodal Laurent Zumstein, en charge des «lieux phares» de l’EERV, est également pris au dépourvu. Il assure cependant qu’à sa connaissance, «jamais un spectacle proposé par le Festival de la Cité n’a fait l’objet d’une consultation dans le cadre de la CUT».

Mêmes messages que les Eglises

Et pour cause: Pascal van Griethusyen, directeur des Affaires religieuses du Canton, indique que «dans le cas du Festival de la Cité, partenaire de longue date de la Cathédrale de Lausanne, la CUT valide le principe d’utilisation du lieu par la manifestation, mais pas les spectacles en particulier». Le Festival de la Cité bénéficierait-il ainsi d’un blanc-seing? «La direction du Festival est informée de l’importance de respecter la nature religieuse de l’édifice», assure-t-il, tout en précisant que «les textes des chansons interprétées n’ont pas été fournis en avance, ces derniers ayant été écrits après la programmation».

Également contactée, Martine Chalverat, directrice du Festival de la Cité qui boucle sa première édition avec un vrai succès de fréquentation, ne connaissait pas non plus le contenu du concert par avance, et confirme qu’aucune limite d’âge n’avait été préconisée pour y assister. «C’est le produit d’un workshop. Et connaissant les valeurs de l’artiste, il ne me serait jamais venu à l’idée de demander à consulter les textes des chants, du moment qu’ils reflètent des idées positives», assure-t-elle. Confiant que c’est de sa propre initiative que ce spectacle a été placé dans la Cathédrale – «le lieu le plus adéquat pour une chorale acoustique» –, Martine Chalverat se dit «navrée si des sensibilités ont pu être heurtées, bien que rien dans ce spectacle n’appelait au blasphème», mais relève que «les messages de tolérance, d’ouverture et d’inclusivité portés par le travail de Gérald Kurdian sont proches de ceux que véhiculent les Eglises».

Regrets

Du côté politique, l’heure est aux regrets. «Nous relevons que certains termes utilisés dans les chansons interprétées lors de ce spectacle manquaient de nuance et n’étaient pas adaptés au lieu», admet Pascal van Griethusyen. «Nous comprenons que l'utilisation de tels termes à l'intérieur de la Cathédrale ait pu choquer. Nous ne pouvons que le déplorer.»

La CUT, qui s’est réunie mardi après-midi selon son agenda, a abordé le sujet sur demande expresse du conseiller synodal Laurent Zumstein. Pour autant, rien ne sera communiqué du côté ecclésial, l’EERV se refusant à tout commentaire officiel. «En tant que membre de la CUT, le Conseil synodal laisse le président de cette commission (Pascal van Griethusyen) faire état des processus et des décisions prises», expose Laurent Zumstein. Le Festival de la Cité pourrait-il à l’avenir perdre son autorisation de principe pour les manifestations données dans ce haut lieu spirituel? A suivre.