L’Église doit-elle toujours convier Dieu aux enterrements?

L'Eglise doit-elle offrir des cérémonies funèbres laïques? / IStock
i
L'Eglise doit-elle offrir des cérémonies funèbres laïques?
IStock

L’Église doit-elle toujours convier Dieu aux enterrements?

10 novembre 2021
Depuis début septembre, un flyer de l’Église évangélique réformée vaudoise promeut des cérémonies d’adieu laïques. Problème, son législatif ne s’est jamais prononcé en faveur de cette ouverture et l’a fait savoir rudement lors de son dernier Synode.

Alors que l’assemblée de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) touchait à sa fin, le 6 novembre, une interpellation inattendue est venue semer la zizanie. Signée par dix délégués au Synode (organe délibérant), celle-ci visait à contester la diffusion d’un flyer – par ailleurs déjà distribué aux entreprises de pompes funèbres – présentant l’offre de l’EERV pour des services funèbres laïcs.

«À aucun moment, notre espérance particulière, qui est celle de l’Évangile, ou l’ancrage dans notre foi ne sont nommés. L’horizon revendiqué n’est que séculier», critique Dominique Kohli, délégué de l’État, en présentant cette interpellation collective. Or, rappelle-t-il, «lors de sa dernière séance, le Synode s’était refusé à s’ouvrir à de telles cérémonies». L’assemblée s’était alors limitée à modifier l’article du règlement ecclésiastique qui liste les éléments liturgiques d’un service funèbre, en lui retirant son caractère contraignant.

Une marge de manœuvre accordée aux ministres, à convenir au cas par cas lors des échanges avec les familles, mais qui n’était pas pour autant destinée à devenir une formule en tant que telle.

Une initiative problématique

«Cette adaptation n’a pas été débattue en Synode et ne peut donc pas être mise en application en Église sans base réglementaire», poursuit le délégué. «Nous demandons donc au Conseil synodal (Exécutif) de suspendre ce papillon dans l’attente d’un vote synodal sur le sujet.»

«Cette offre ne veut pas remplacer les cérémonies traditionnelles, pour lesquelles existe d’ailleurs un autre flyer», minimise, de son côté, le conseiller synodal Laurent Zumstein. Une double posture qui n’a d’ailleurs pas manqué d’interpeller les entreprises de pompes funèbres. «Nous avons été alertés directement pas ces professionnels qui ne comprenaient plus rien», rapporte le délégué Simon Butticaz, directeur de l’Institut romand des sciences bibliques à l’Université de Lausanne.

Du côté des ministres, une inquiétude pratique émerge également: «Est-ce à dire qu’en tant que pasteure, je devrais automatiquement être disposée à tous les vœux des familles?» s’interroge Florence Clerc Aegerter. «Je peux adapter le message de l’Évangile, c’est une évidence, mais je ne suis pas disposée à le brader.»

Complémentaire mais illégitime

Face à l’Exécutif qui réfute vouloir laïciser les services funèbres, Simon Butticaz pointe la ressemblance entre les termes du flyer incriminé avec ceux mis en avant par l’Association des célébrants et officiants romands (ACOR), organisatrice de cérémonies hors institutions religieuses: «ACOR assure exactement le même produit avec les mêmes éléments de langage: "rendre hommage au défunt", " apaiser les blessures", etc.» Et d’asséner: «Nommons un chat un chat: avec ce papillon vous avez créé des cérémonies laïques. Bien sûr, elles entrent en complément avec les autres, mais elles n’ont aucune légitimité.»

Quelle consolation?

«Ce flyer essaie de noyer le poisson pour répondre au goût du jour. Il nous faut au contraire affirmer notre identité. On nous le demande. On nous le reprocherait autrement», enjoint le ministre Guy Labarraque. À l’opposé, son confrère Dominique Troilo, aumônier en EMS, fait part quant à lui de son souci «de ne pas devoir lâcher en cours de route les familles qui souhaiteraient une cérémonie plus laïque».

Pour les contestataires, un minimum de fidélité à leur identité semble pourtant nécessaire. «Face à l’évolution de la société, de nombreuses Églises réformées ont adapté le message, sans en gommer la spécificité. En tant que délégué de l’État, je juge utile que la mission de l’Église reste d’apporter le message de l’Évangile», argumente encore Dominique Kohli.

Et Vincent Guyaz d’exprimer, au nom du Conseil synodal, qu’«on est de toute manière au centre de l’Évangile quand on est dans la consolation». Une vision des choses qui n’a cependant pas convaincu la majorité de l’assemblée, qui a manifesté son attachement à son ADN en soutenant à une majorité claire l’interpellation. Cet outil du Synode ne pouvant toutefois déboucher que sur «un vœu non contraignant pour le Conseil synodal», celui-ci reste libre de retirer ou non sa publication…