«Les Eglises auront un rôle central dans la reconstruction de l’Ukraine»

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«Les Eglises auront un rôle central dans la reconstruction de l’Ukraine»

13 juillet 2023
Rita Famos est entrée au Conseil œcuménique des Eglises (COE) comme déléguée début juillet. A propos de la guerre en Ukraine, elle soutient l’idée que le travail de paix doit commencer par la réconciliation des Eglises sur place.

La présidente de l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS) Rita Famos est entrée au Comité central du Conseil œcuménique des Eglises (COE). Elle y a pris la suite de l’ancien directeur des relations extrérieures de la faîtière réformée Serge Fornerod, et intègre ainsi le COE dans un contexte un peu particulier. En effet, alors que l’Eglise orthodoxe russe soutient la guerre engagée contre l’Ukraine par la voix de son patriarche, la politique de l’ONG religieuse basée à Genève est de ne pas l’exclure ni la suspendre – ce que l’EERS avait suggéré sans succès - afin de maintenir le dialogue. Pour rappel, le patriarche Kirill était espion pour le compte du KGB quand il siégeait au Comité central du COE dans les années 1970. Une place actuellement occupée par son neveu. Interview.

Qu’attendez-vous de votre entrée au Comité central du Conseil œcuménique des Eglises?
Le Comité central ne se réunit que tous les deux ans, à savoir à nouveau en 2025. Toutefois, le travail dans les commissions est intensif. Je fais partie du Comité du programme et de la Commission chargée du projet Green Village (un complexe d’immobilier de rendement écologique créé par le COE pour améliorer ses finances, ndlr). Travailler dans un contexte œcuménique suppose trouver un équilibre entre affirmation et humilité. Faire valoir son point de vue de façon affirmée tout en restant à l’écoute des autres: voilà une façon de reconnaître que notre Église est certes une Église à part entière, mais qu’elle ne représente pas l’Église dans sa globalité. Je me réjouis de relever ce défi.

L’EERS a-t-elle du poids dans les discussions et débats du COE?
L’EERS ne dispose que d’un siège au sein du Comité central, qui compte 150 membres. Elle joue toutefois un rôle important au travers de son statut d’Église nationale du pays où se trouve le siège du COE, et en sa qualité de membre fondateur de l’Institut œcuménique de Bossey. Cela dit, avoir du poids et réussir à créer un consensus demande avant tout de pouvoir proposer des arguments pertinents et convaincants.

L’EERS a demandé une suspension de l’Eglise orthodoxe russe, dont le patriarche Kirill soutient la guerre en Ukraine. Cette demande n’a pas été suivie d’effet. Allez-vous la formuler à nouveau en tant que déléguée?

Dans le cadre du synode d’été de l’EERS à Olten, nous avons eu l’occasion de montrer que nos critiques à l’égard de l’Église orthodoxe russe ont non seulement été présentées au COE, mais qu’elles ont été entendues. À la réunion du Comité central du COE, Serge Fornerod a à nouveau souligné que l’EERS demande au COE de rappeler dans tous les entretiens le caractère indéfendable de la position théologique de l’Église orthodoxe russe. Nous suivrons donc de près la suite des discussions et veillerons à ce qu’elles soient menées dans une optique claire et ferme.

La politique du COE est de garder les orthodoxes russes à la table des négociations, afin que le dialogue ne soit pas rompu. Que pensez-vous de cette position?

Je suis favorable à cette politique si elle permet d’exposer la position majoritaire des Églises membres du COE à la direction de l’Église orthodoxe russe (EOR). En effet, les Églises membres du COE, dans leur grande majorité, rejettent clairement la position de la direction de l’EOR. Saisissons l’occasion pour le faire savoir publiquement et ainsi appuyer l’opposition interne au sein de l’EOR. Il faut être deux pour mener un vrai dialogue, et le dialogue ne doit en aucun cas servir de prétexte à déplacer la discussion sur un terrain de positions extrêmes et indéfendables.

Au dernier synode de l’EERS, vous avez avancé que «le COE ferait mieux d’œuvrer pour la paix». De quelle façon, selon vous?

Katharina Kunter, professeure d’histoire contemporaine de l’Église à l’Université d’Helsinki, a récemment publié dans le bulletin «Nachrichten Östlicher Kirchen NÖK» une analyse très lucide quant aux options qui se présentent au COE. Je me rallie à sa conclusion selon laquelle il serait temps «que le COE, au lieu de s’accrocher à des rhétoriques de paix irréalistes datant du siècle dernier, se focalise sur le travail en faveur de la paix en Ukraine – un travail par petits pas, qui est pénible, prend du temps et ne permet pas de faire du marketing». En d’autres termes, le COE doit amener les Églises présentes en Ukraine à entrer en dialogue. Ces dernières auront en effet un rôle central à jouer dans la reconstruction de la vie après la guerre.