De Lausanne à Cracovie

A Cracovie, suivant l'heure à laquelle vous visitez la plus haute tour de la basilique Sainte-Marie, vous tomberez nez à nez avec un trompettiste. / © LDD
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A Cracovie, suivant l'heure à laquelle vous visitez la plus haute tour de la basilique Sainte-Marie, vous tomberez nez à nez avec un trompettiste.
© LDD

De Lausanne à Cracovie

Alain Wirth
2 juin 2022
Voyage
Nous avons la guette de la cathédrale, ils ont le clairon de la basilique. Zoom sur deux traditions entre la Suisse et la Pologne.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous projetons de visiter Berlin pour nos vacances. Une grande ville d’Europe, c’est souvent une mine d’or en termes historique et culturel. Prenez Cracovie, l’ancienne capitale de Pologne. Sa vieille ville est inscrite au patrimoine mondial; elle renferme la plus grande place de marché médiéval d’Europe. La basilique Sainte-Marie, avec ses deux clochers d’inégale hauteur, est un édifice remarquable.

Suivant l’heure à laquelle vous visitez sa plus haute tour, il se peut que vous tombiez nez à nez avec un trompettiste. Chaque heure et à heure fixe, le trompettiste de la tour vient sonner le clairon. Il se positionne successivement aux quatre fenêtres, afin de se faire entendre tous azimuts. De passage sur la place, vous ne raterez pas ce fameux clairon. Une chose vous étonnera probablement: le morceau interprété par le musicien se termine brusquement, comme si la fin venait à manquer.

On doit cette particularité du lieu à une tradition qui remonte au Moyen Age. A cette époque, on avait doté la tour de l’église d’une sentinelle. Sa mission était multiple: prévenir les bourgeois de la fermeture et de l’ouverture des portes de la ville, sonner l’alerte en cas de danger tel que l’arrivée d’un envahisseur. Au XIIIe siècle, Cracovie vivait sous la menace des Tartares. Un jour, ceux-ci sont arrivés pour piller la ville. Pour alerter la population, le guetteur a sonné du clairon. Mais en cours de mélodie, une flèche tirée par un ennemi atteignit le musicien en pleine gorge, le tuant sur le coup.

Aujourd’hui encore, le sonneur joue l’air de la tour toutes les heures… pour s’interrompre soudainement. Il s’agit d’un rappel des souffrances endurées par le peuple à l’époque. Mais c’est aussi le souvenir de la victoire que les Polonais finirent par l’emporter sur leurs ennemis.

Ce récit me fait penser à la cène que nous célébrons régulièrement. Quand nous communions au corps et au sang du Christ, nous nous souvenons d’un homme qui s’est tenu debout, en face de ses adversaires, pour le bien de son peuple. Face à l’oppression du mal, le Christ a été dressé à la face du monde. Sur la croix, pour notre délivrance, c’est lui qui prenait la lance, enfoncée sur son côté. Pourtant, cette mort fut justement sa victoire sur le mal. Parce que la vie de Jésus, personne ne la prend: c’est lui qui la donne. Le don de la vie du Christ, c’est notre réconciliation avec notre Père, le triomphe de la lumière sur les obscurités de notre monde. Quand nous prenons le pain et le vin, nous annonçons que toutes les ténèbres nous ont perdus pour de bon. Désormais, nous appartenons au Seigneur: «Oui, avant, vous étiez dans la nuit, mais maintenant, en étant unis au Seigneur, vous êtes dans la lumière (…)» (Ephésiens 5.8).

Pour célébrer la victoire de leur peuple, ils ont le clairon de la basilique. Pour nous réjouir de la nôtre, nous avons la cène.