Pratiquer l’hospitalité, mais entre gens bien
Photo: CC(by-nc-sa) abuakel
Créé par deux jeunes entrepreneurs, spécialistes en communication et lobbying, le site Ephatta hospitality propose, sur inscription préalable, de mettre en relation des voyageurs avec des hôtes qui proposent gratuitement un hébergement pour une ou quelques nuits. Cette «plateforme d’hospitalité sur internet» ne se cache pas d’être une startup, construite sur le modèle de CouchSurfing, une entreprise américaine qui a connu un succès rapide, et est aujourd’hui le plus grand des réseaux sociaux d’hébergement temporaire entre particuliers.
Mais Ephatta hospitality cherche à trouver sa spécificité au travers d’une identité religieuse, qu’elle définit comme étant chrétienne. Ses deux fondateurs la présente en effet comme étant «enracinée dans les principes chrétiens».
Il n’a pas été possible de joindre le fondateur du site pour avoir des précisions sur les principes qui sont invoqués, et qui seraient spécifiquement chrétiens. «La confiance reste le frein principal à l’échange de maison et d’hospitalité», déclarent-ils dans le dossier de présentation, en continuant: «l’appartenance à la même communauté est pour nous un facteur facilitant de ces échanges».
Pourtant, les statistiques du site CouchSurfing révèlent que le réseau devenu mondial qui n’utilise aucune référence religieuse particulière comptait en 2012 plus de 4,8 millions de membres. Ses créateurs le présentaient comme une manière de «participer à la création d’un monde meilleur, canapé après canapé».
L’hospitalité: valeur spécifique ou bien universelle?Le succès de la plateforme américaine laisse à penser que l’hospitalité n’est effectivement pas l’apanage d’une tradition religieuse. De plus, même si l’accueil de l’étranger est bien un précepte présent dans la Bible des juifs et des chrétiens, l’hospitalité se trouve être aussi un précepte majeur du Coran, qui en fait même l’une des vertus de l’islam, ainsi que le rappelle Mustapha Chérif, philosophe et islamologue, professeur à l’université d’Alger, dans un livre paru en 2006: «L’islam, tolérant ou intolérant?».
Le modèle économique de la startup est fondé sur la contribution volontaire des membres: «vous ne payez que si vous le voulez et le pouvez», stipule le dossier de presse. Un modèle qui a déjà fait ses preuves puisque leur grande sœur américaine, initialement à but non lucratif, s’est dotée il y a 4 ans d’un statut de société commerciale. Les dépenses et les recettes détaillées sur le site de CouchSurfing s’élevaient à près de 800’000 dollars en 2008. Par ailleurs, Ephatta propose également à ses membres une validation de leur profil, mais cette vérification est payante, selon La Croix.
«Avec Ephatta, vivez l’esprit de charité, d’accueil, de rencontre et de partage», annonce le dossier de présentation. Les deux initiateurs du projet se réfèrent à la signification du nom choisi pour leur startup, en tant que plus-value: «venant de l’araméen “ouvre-toi”, le mot ephatta est employé par Jésus dans les évangiles lors de la guérison d’un sourd-muet, vivant dans une sorte de mutisme, incapable de recevoir du dehors», expliquent-ils. «Par cette parole, Jésus l’ouvre au monde à travers lui. Cette ouverture au monde est ce que nous voulons transmettre à tous ceux qui, avec Ephatta, pourront voyager partout et rencontrer des chrétiens dans le monde entier».
L’hospitalité en questions.
L’une des études les plus complètes menées à ce jour sur l’hospitalité a été publiée en 2001 par Anne Gotman, sociologue et directrice de recherche au CNRS: «Le sens de l’hospitalité. Essai sur les fondements sociaux de l’accueil de l’autre», chez PUF. Cette approche à la fois historique, sociologique et anthropologique met en évidence les ressorts de ce qui fait qu’un humain ouvre ou pas sa porte à un autre, qu’il ne connait pas. Un autre ouvrage paru en 2013 permet une approche sociologique de la religion, et que cette dernière, loin de disparaître, est en permanente recomposition: «Ce que la religion fait aux gens», aux éditions Maison des Sciences de l’homme. La chercheuse y étudie sur la base d’interviews les relations complexes entre religion et modernité.