Myriam Sintado: une artiste entre dans l’Église

Myriam Sintado / ©Loris von Siebenthal
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Myriam Sintado
©Loris von Siebenthal

Myriam Sintado: une artiste entre dans l’Église

HORS-CADRE
L’Église protestante de Genève a choisi une comédienne pour siéger au sein de son exécutif (Conseil du Consistoire). Une personnalité loin des clichés sur les protestants.

Vous avez probablement aperçu Myriam Sintado sans le savoir, une marionnette à la main, incarnant Théo dans le spectacle jeune public Les parlottes des Théopopettes. Vous la découvrirez bientôt dans Une tête de nuage d’Erri de Luca, programmé en mars (voir encadré); mais aussi, dans un tout autre registre, au Conseil du Consistoire (CC), l’exécutif de l’Église protestante de Genève (EPG). Elle a accepté d’y entrer en décembre dernier. La démission de cinq de ses membres avait laissé cette instance en sous-effectif. «J’ai senti une réelle foi en un changement», explique la comédienne de 52 ans.

L'exil

Ses nouvelles responsabilités au sein de l’Église sont l’aboutissement d’un parcours jalonné d’espérances et de ruptures. La première, à 4 ans. L’Argentine, où elle grandit, est aux mains de la dictature. Son père est pasteur de l’Eglise méthodiste. «Annoncer une couleur contraire à la répression, c’était se mettre en danger. Or mon père avait toutes les tares de l’époque: intellectuel, protestant, pasteur…» Il est emprisonné et miraculeusement retrouvé.

À 12 ans, l’exil s’impose. «L’ami d’une paroissienne avait vu notre nom sur les listes noires du gouvernement. Il fallait tout quitter sans même dire au revoir.» La voix de Myriam se brise. «À la suite du départ, la seule continuité, c’est la présence de la famille, mais aussi la présence de Dieu en moi, qui s’est faite toujours plus forte. Tout changeait sauf ça.» La famille, désormais au nombre de cinq personnes, part en Suisse, où le père se voit proposer un poste au Conseil oecuménique des Eglises (COE), à Genève.

L’exil est une brèche fondatrice de mon histoire

Il faut trouver sa place. En trois mois, Myriam maîtrise le français. «C’était une bataille pour survivre», confie celle qui parle désormais cinq langues. «Avec l’expérience de l’exil, tu ne fais pas ton adolescence tout à fait de la même façon. C’est une brèche fondatrice de mon histoire, et la recherche de sens se fait très tôt.»

D'un rêve à l'autre

Pendant l’adolescence, elle est tiraillée entre le théâtre et la théologie. Le théâtre, pour dire quelque chose de l’invisible; la théologie, parce que la Parole la touche au plus concret de sa vie d’exil. La théologie l’emporte. Elle commence un parcours universitaire de cinq ans à Genève.

Sa personnalité haute en couleur, directe, ouverte, expressive, ne correspond pas à l’image que l’on se fait de la protestante.

À deux doigts du but, en licence, elle lâche tout. Elle ne sera pas pasteure. «Parfois, les choses se brisent, c’est une petite mort mais cela ouvre vers des perspectives de vie. C’est là que se trouve le cadeau de Dieu pour moi à chaque fois», confie Myriam.

Le choix du théâtre

C’est par le biais de comédies musicales organisées par l’EPG qu’elle renoue avec ses premières amours. La vocation de comédienne se confirme au terme d’une formation à l’Ecole de théâtre Serge Martin. La carrière est lancée. Elle joue sur de nombreuses scènes de Romandie et d’ailleurs. Elle met en scène. Elle enseigne le jeu et l’improvisation, mais aussi les danses de salon comme moyen d’éveil au respect. Elle partage sa vie et sa passion avec le comédien Pierre-Philippe Devaux, lui aussi à l’affiche d’Une tête de nuage.

Tout au long de ce parcours, Myriam s’engage dans l’Église, mettant son art au service de sa foi, fidèle aux Théopopettes depuis plus de 10 ans, ou interprétant des textes porteurs de sens. «Je me sens proche de nouvelles formes d’être Église, notamment auprès des jeunes et des enfants.» C’est donc tout naturellement qu’elle devient présidente de l’AJEG (Association Jeunesse en Église), membre du bureau du SCFA (Service catéchèse formation animation), et qu’elle s’investit au COPIL (accompagnement de la nouvelle gouvernance de l’EPG).

Le nom de sa compagnie – Avec des si… – en dit long sur ce qui la conduit: «Je veux toujours croire qu’il est possible de faire des choses impossibles. Je suis une grande utopiste, quitte à me briser contre les parois de la réalité. Mais je me relève toujours, comme mon pays, l’Argentine.»

Des utopies, ou plutôt des rêves, qu’elle croit possibles pour l’Église. Comme la création de ponts avec les personnes discriminées. Une Église inclusive. Une Église qui embrasse plus largement la dimension artistique. L’Église parviendra-t-elle à sortir de la crise? «Je veux le croire. Avec des si… tout est possible!»

Bio express

Déc 1968 Naissance à Buenos Aires, Argentine.
Déc 1980 Exil en Suisse, à Genève.
1990-1995 Études de théologie.
1996-1998 Secrétaire cantonale des GBEU (Groupes bibliques des écoles et universités). 
1998-2001 Formation à l’École de théâtre Serge Martin.
2004 L’Homme qui marche, de Christian Bobin, première création de sa compagnie.
2010 Début de l’activité de marionnettiste pour Les Parlottes des Théopopettes.
2014 S’engage au SCFA.
2020 S’engage au COPIL, puis devient membre du CC.

Une tête de nuage

A la manière de deux conteurs, Myriam Sintado et Pierre-Philippe Devaux interprètent les nombreux personnages d’Une tête de nuage de l’écrivain italien Erri de Luca. Derrière la figure du Messie se dessine le portrait de deux jeunes parents, Marie et Joseph, présentés dans toute leur humanité. L’histoire touchante d’un couple bouleversé par Dieu.

13 mars: Auditoire Calvin (Genève);
16-20 mars: Théâtricul (Chêne-Bourg, GE); 
27 mars: Salle Yvette Théraulaz (Lausanne); 
28 mars: Echallens (VD) ; 7 mai : Bernex (GE) ; 
28-29 mai: TemPL ’Oz Arts (Plan-les-Ouates, GE).

Plus d’infos: Page Facebook Cie. Avec des si…