Un lieu d’Eglise, au service des besoins spirituels

A gauche, le site à peine achevé, et à droite, en l'état actuel. / ©Crêt Bérard
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A gauche, le site à peine achevé, et à droite, en l'état actuel.
©Crêt Bérard

Un lieu d’Eglise, au service des besoins spirituels

Alain Monnard
En 1948, un aumônier protestant vaudois lance un appel à construire une maison pour les jeunes: Crêt-Bérard. 75 ans après, les Eglises ne représentent plus que 10% des activités du lieu, qui garde pourtant une forte dimension spirituelle.

Comment est-on passé d’une maison pour les jeunes à un hôtel axé sur les seniors?

A l’époque de la fondation de Crêt-Bérard, le concept de «Maison de l’Eglise et du Pays» désignait deux versants d’une même société: l’Eglise protestante étant Eglise d’Etat, elle englobait toutes les dimensions spirituelles. Aujourd’hui, ce concept évolue. Nous restons une maison de l’Eglise, notre identité est protestante. Mais nos services sont accessibles à tous.

Que veut dire avoir une identité protestante?

Pour reprendre une formule de la Constitution vaudoise, nous sommes au service des besoins spirituels de l’humain: quelque 80% de notre public viennent dans le cadre de formations et de démarches de développement personnel. Ils ne se rendent pas forcément dans notre chapelle, mais y sont invités. Les lieux favorisent la spiritualité: les chambres sont protégées des relais wifi pour faciliter déconnexion et tranquillité. Et nous avons notre propre programme d’activités spirituelles. En 2019, une communauté est née à Crêt-Bérard, «La Maisonnée», composée de personnes vivant sur place, travaillant ailleurs, et partageant une vie de foi.

Crêt-Bérard est aussi la dernière maison d’Eglise protestante, côté romand…

Les activités d’Eglise représentent en effet 10% de nos hôtes: camps de catéchumènes, formation d’animateurs, pour l’Eglise vaudoise, mais aussi d’autres Eglises cantonales puisque des lieux équivalents sur Neuchâtel, Fribourg, le Jura ou Genève ont disparu. Nous proposons un tarif spécial pour les Eglises (15% de réduction), y compris pour les autres confessions chrétiennes. Il est important de s’ouvrir aux autres communautés.

Quelles sont vos limites, accédez-vous à toutes les demandes?

Non, parfois nous devons refuser des projets, qui n’ont pourtant rien de problématique en soi. Un jour, une équipe de pole dance nous a contactés pour organiser une formation dans nos murs. Une autre fois, ce fut une structure qui souhaitait monter un week-end «Harry Potter». Associer l’image de Crêt-Bérard à la sorcellerie ou à la pole dance aurait suscité des incompréhensions chez nos hôtes et les personnes qui nous soutiennent.

Vivre sous le même toit crée des liens inattendus

Comment faites-vous cohabiter des managers avec des méditants, par exemple?

C’est compliqué. Evidemment, un groupe venant pour une retraite ne souhaite pas cohabiter avec des enfants en bas âge! Certains membres d’Eglises ne sont pas à l’aise s’il y a un séminaire d’une autre religion. Cette gestion du pluralisme se travaille au quotidien: j’informe en amont, en cas de situation «limite». Mais souvent tout se passe bien et vivre sous le même toit crée des liens inattendus! Nous souhaitons rester un lieu de rencontre et de diversité.

L’harmonie proviendrait-elle de l’architecture des lieux?

Oui, et de notre organisation simple, qui se veut authentique. Mais cette harmonie provient aussi de l’équipe, formée pour répondre aux standards hôteliers. Ce n’est pas juste la question d’«être dans le coup», c’est aussi un témoignage chrétien.

Quels sont vos futurs projets?

Ne pas perdre notre public d’Eglise, concilier notre identité avec une multiplicité d’activités. Pour cela, nous devons mettre aux normes le Pavillon. Ce chalet forestier, proche de la nature, nous permet de proposer des lits à bas prix pour randonneurs, cyclistes, jeunes… Nous avons déjà levé 300'000 francs sur les 500'000 nécessaires, grâce au soutien de particuliers (30%) et de fondations (70%).

Comment intégrez-vous les défis écologiques?

Les repas sont de saison, privilégient les produits locaux et bio. La prochaine réflexion tournera autour des questions énergétiques.

En chiffres

20 collaborateur-rices (17 EPT)

120'000 francs de dons annuels

6000 nuitées*

875 journées de séminaires*, dont deux tiers de séminaires d’entreprises ou d’associations, 10% de groupes ecclésiaux, 7% d’activités propres à Crêt-Bérard, 6% d’événements spéciaux (fêtes d’anniversaire, repas de fin d’année, mariages)

*Chiffres de 2019. La pandémie a eu un impact sur la fréquentation.

Histoire

1948 L'idée
A Lausanne, le pasteur Albert Girardet lance un appel devant 5'000 jeunes Vaudois pour construire une maison «pour la jeunesse, l’Eglise et le Pays». Il s’inspire de la Maison Agapè, en Italie du Nord, où des jeunes de toute l’Europe viennent séjourner et s’investir. Le projet: un élan vers l’avenir après des années de guerre. Le lieu: le Crêt-Bérard, «la colline du Berger», point de repos des gardiens de troupeaux, havre de paix éloigné des habitations, au cadre splendide.

1949-1953 La construction
L’architecte Claude Jaccottet conçoit les plans. Les pierres, offertes par le propriétaire d’une carrière de Sainte-Croix, apportent au lieu son style de monastère néo-roman. Des milliers de jeunes participent au chantier.

Septembre 1953, inauguration
Charles Nicole-Debarge, pasteur et premier directeur apporte sa marque: trois offices par jour, séminaires, veillées au coin du feu… Une fondation privée gère les lieux, l’Eglise réformée vaudoise finance le poste de direction, toujours dévolu à un pasteur, et siège à son Conseil, aux côtés d’un représentant de l’Etat.

1983 L'extension
Une aile est ajoutée, une salle à manger et une cuisine font leur apparition.

1987 L'anthologie
Publication de l’Office divin, une liturgie et des chants propres à Crêt-Bérard, dont la structure est toujours identique.

2000 La professionnalisation
Le site se professionnalise et s’ouvre aux réservations de groupes socioprofessionnels.

Dès 2013, un responsable hôtelier complète l’équipe et la maison adapte ses standards aux attentes des hôtes.

2015 Naissance de Livre à vivre, festival d’auteurs avec conférences et tables rondes.

2017 Lancement des Rencontres Horizon, journée annuelle pour dirigeant·es romand·es.

2023 Festivités et projets du 1er au 2 juillet: un rassemblement de jeunes avec nuitée, fête intergénérationnelle ouverte dès 11h30 (officialités, repas, animations, goûter, office…).
Inscriptions sur cret-berard.ch/event/anniversaires.

Parmi les projets en cours
La rénovation du Pavillon pour les groupes (voir interview plus haut). 
Pour contribuer à la rénovation du Pavillon: cret-berard.ch/pavillon

En savoir plus: Crêt-Bérard. L’aventure d’une maison inspirée. Nicolas Gex, Cabédita, 2020.

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Alain Monnard, pasteur de l’EERV et directeur de Crêt-Bérard depuis 2013.
©Crêt-Bérard