Chaque génération est moins croyante

Le fait, même pour des parents croyants, de considérer la foi comme un choix individuel pourrait nuire à la transmission des valeurs. / © iStock
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Le fait, même pour des parents croyants, de considérer la foi comme un choix individuel pourrait nuire à la transmission des valeurs.
© iStock

Chaque génération est moins croyante

Jörg Stolz
Publiée en novembre, une étude reprend les différentes recherches menées depuis 1930 sur l’évolution des valeurs en Suisse. Elle est signée du doctorant Jeremy Senn et du professeur de sociologie à l’Université de Lausanne Jörg Stolz. Le point avec ce dernier.

La proportion de sans-confession progresse, mais selon votre publication, ce n’est pas parce que l’on perd la foi en devenant adulte. 
Les résultats sont d’une clarté frappante. Ils montrent bien que la progression des sans-confession est d’abord due au fait que chaque génération est moins croyante que la précédente. Ces chiffres ne sont pas étonnants en soi, les recherches font le même constat dans toutes les démocraties. On arrive au même résultat dans des pays ayant des histoires et des situations aussi différentes que l’Allemagne, la France ou les Etats-Unis.

Quelle en est la cause?
Il est difficile de répondre à cette question. Les spécialistes pensent que c’est en lien avec la modernité ou avec l’individualisation de la société. Peutêtre aussi que, même dans les familles croyantes, on tend à considérer que les enfants ont le droit de choisir euxmêmes leur confession. Et que ces derniers en ont davantage conscience. Mais c’est de l’ordre de l’hypothèse.

Et ce mouvement touche toutes les confessions?
Les différents groupes religieux sont concernés et l’on ne voit pas de différences entre groupes plus libéraux et plus conservateurs. Les groupes très fermés, en revanche, résistent un peu mieux, mais les tendances générales sont les mêmes, les choses vont simplement un peu plus lentement dans les communautés très resserrées.

Votre étude réfute également l’hypothèse d’un transfert vers d’autres formes de religiosité. Pourtant, on a l’impression que les librairies débordent d’offres de spiritualité alternatives…
Je ne suis pas sûr que l’on assiste vraiment à une augmentation du nombre de ce type de publications. C’est un chiffre que je n’ai pas, mais ça pourrait être utile de s’y intéresser. Ce que je constate cependant dans les études, c’est que les réponses liées à des spiritualités alternatives ne progressent pas au fil du temps. 

Même la croyance en une «puissance supérieure» serait donc en déclin?
Cela reste l’une des principales réponses données. Mais il s’agit d’une étape intermédiaire. Une génération croit en un dieu personnifié. Leurs enfants vont être plutôt enclins à croire en une énergie ou une puissance supérieure et la génération suivante n’y croira plus du tout. C’est en tout cas le type de schéma que l’on retrouve.

Votre analyse porte sur près d’un siècle. Cette progression est-elle linéaire ou voit-on des accélérations marquées de cette sécularisation?
Il y a quelques pics lors de scandales d’Eglise, mais la seule rupture que l’on constate, dans l’ensemble, c’est celle des années 1960.

Mais alors, comment nos contemporains répondent-ils aux angoisses existentielles?
Différentes choses reprennent les rôles traditionnels de la religion. Les personnes qui vont mal vont se tourner vers toute sorte d’offres séculières, telles que la psychothérapie ou la psychanalyse. Et si l’on aborde la question du sens de la vie, les répondants évoquent des éléments tels que la famille ou le travail. En fait, les gens croient d’abord en eux.

À écouter

«Quand la foi part en fumée», Hautes Fréquences, Espace 2, dimanche 14 novembre 2021