Vivre avec moins d’espace sans en faire un sacrifice

Vivre avec moins d’espace / ©iStock
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Vivre avec moins d’espace
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Vivre avec moins d’espace sans en faire un sacrifice

Impact
Habiter en ville permet de réduire la pression que l’on exerce sur l’environnement. Les urbanistes s’efforcent de rendre les centres-villes toujours plus attrayants.

Selon qu’une population loge en appartement ou dans une villa avec jardin individuel, elle occupera entre un 1 et 120 hectares! C’est dire si ces choix peuvent avoir un impact fort sur l’utilisation des ressources naturelles. «Et il ne faut pas oublier que outre le logement lui-même, il faudra construire des accès!» précise Florence Schmoll, responsable du département de l’Urbanisme de la Ville de Bienne. «La surface de logement par habitant tend à augmenter chaque année. Plus cette surface est élevée, plus les besoins en énergie pour le chauffage augmentent également. En outre, dans un environnement où les logements sont plus distants les uns des autres, ou des autres affectations telles que des petits commerces ou des lieux de travail, les transports sont plus importants.»

Espace limité

«Dans la mesure où l’espace est limité, les différents besoins entrent en conflit les uns avec les autres. La pression de l’urbanisation, mais également des activités humaines en général, doit être maîtrisée et gérée, y compris celle des loisirs», résume Dominique Robyr Soguel, cheffe adjointe du service de l’Aménagement du territoire du Canton de Neuchâtel. «Cette gestion concerne également les espaces naturels, dans la mesure où ils sont toujours plus recherchés par la population pour se détendre et se ressourcer. Par exemple, il y a des pressions croissantes sur des lieux comme le Creux-du-Van.»

Sensibiliser la population à ces problématiques fait donc partie des tâches des urbanistes. «L’effondrement de la biodiversité, la banalisation des paysages et des impacts environnementaux non maîtrisés ont un coût économique et social», insiste Dominique Robyr Soguel. «Nous avons une responsabilité envers la Terre qui nous a été confiée. L’aménagement du territoire y contribue, mais ne constitue qu’un maillon de la chaîne. Finalement, les buts et les objectifs sont fixés par la société. Plus les attentes de celle-ci seront élevées en matière de biodiversité, plus le dispositif de planification et de régulation sera important.»

Impératif de qualité…

Mais les spécialistes sont unanimes: «Si l’on part de l’idée que la densification est un sacrifice, on ne va pas y arriver. On ne peut pas obliger les gens à vivre avec moins d’espace privé. La densification passe par la qualité, notamment des espaces extérieurs!» analyse Florence Schmoll. «Les possibilités de humer une fleur, d’entendre les oiseaux chanter, de voir le ciel et de s’exposer de temps en temps à la chaleur du soleil sont des besoins essentiels», complète Dominique Robyr Soguel. «La densification, soit l’accueil de plus de monde sur un même espace, est acceptable moyennant que chacun en tire un avantage complémentaire (plus de services), mais également que la possibilité de s’isoler par moments existe et que les impacts environnementaux tels que les bruits de circulation ou du voisinage soient maîtrisés. Si les villes deviennent plus agréables, les gens chercheront moins à en sortir tous les week-ends, en prenant leur voiture…»

Joëlle Salomon Cavin, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne, a mené des recherches sur les relations entre nature et ville. «Aujourd’hui on sait mener des projets de renaturation, même en ville!» promet-elle. «A Genève, par exemple, la création de la Plage des Eaux-Vives a donné lieu à un aménagement de qualité dans cette zone très densément habitée, tout en permettant la mise en place d’une lagune, interdite d’accès aux humains et où de nombreux oiseaux se sont installés. Dans la périphérie de Genève, la renaturation de l’Aire a permis de revitaliser une rivière tout en créant des promenades appréciées.»

… et de diversité

«Il faut aussi être sensible aux évolutions de la société. On assiste, par exemple, à un retour de la demande en espaces de collectivités», souligne encore Florence Schmoll. «Par ailleurs, les parcours de vie sont moins linéaires qu’autrefois: cela impacte les besoins d’espace. A ce titre, les collectivités d’habitations peuvent parfois jouer un rôle novateur en proposant notamment des chambres d’amis collectives, que l’on peut emprunter au besoin, plutôt que d’avoir cet espace supplémentaire dans chaque appartement. On peut penser aussi à des pièces ‹joker›, que l’on peut louer en plus de son appartement sur un temps donné, par exemple pour offrir un peu d’autonomie à un ado, mais dont on aura plus besoin lorsqu’il quittera la maison pour sa formation.»

«Il faut offrir un panel de différents types de constructions. En effet, tout le monde ne rêve pas de vivre dans le même type de logements», complète Joëlle Salomon Cavin. «Pour ceux qui aspirent à une villa individuelle, on peut proposer des alternatives avec des logements groupés permettant de nombreux accès à des jardins», note-t-elle. «Il n’est pas étonnant que les associations de défense de l’environnement travaillent désormais également sur le mieux-vivre en ville. C’est une excellente solution pour diminuer la pression sur la nature.» Des mesures qui semblent porter leurs fruits: «Aujourd’hui, ce n’est souvent plus la volonté qui retient les familles de vivre en ville, mais l’absence de logements abordables financièrement.»