Robotsexualité : renoncer au désir réciproque

Ezekiel Kwetchi Takam, doctorant en éthique théologique à l’Université de Genève.
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Ezekiel Kwetchi Takam, doctorant en éthique théologique à l’Université de Genève.

Robotsexualité : renoncer au désir réciproque

25 septembre 2023
Robotsexualité
Dans le cadre de ses recherches sur les enjeux éthiques en lien avec l’intelligence artificielle, un doctorant de la Faculté de théologie de l’Université de Genève s’est intéressé à la question des robots sexuels.

Vous travaillez sur la robotsexualité. Cette pratique existe-t-elle vraiment, en dehors de quelques cas rarissimes?

EZEKIEL KWETCHI TAKAM Si l’industrie des sexbots (robots sexuels) affiche aujourd’hui un chiffre d’affaires annuel de 200,7 millions de dollars, représentant 56 000 sexbots vendus chaque année, selon une étude de Bedbible, c’est bien parce qu’il y a une demande de la part d’une population pratiquante. Cette pratique existe donc vraiment, même si sa revendication sociale bénéficie d’une très faible résonance.

Certains pourraient renoncer aux relations sexuelles et recourir uniquement à des sexbots?

La robotsexualité offre à l’humain la «libre» réalisation de sa profonde nature: son caractère violent et dominateur. Toute relation humaine – y compris les relations sexuelles – implique deux (ou plusieurs) êtres consentants, tous porteurs d’un désir et d’un pouvoir qui doivent être composés avec le désir et le pouvoir de l’autre. Dans le cadre de ses recherches sur les enjeux éthiques en lien avec l’intelligence artificielle, un doctorant de la Faculté de théologie de l’Université de Genève s’est intéressé à la question des robots sexuels. pour justement former la «relation». Dans le cas de la robotsexualité, seuls les désirs et pouvoirs de l’être humain s’expriment. Celui-ci choisit le design corporel qu’il veut, programme au millimètre près la réalisation des fantasmes souhaités, sans oublier que le processus de drague qui précède habituellement l’acte sexuel, qui peut parfois être très pénible, est supprimé. Le partenaire sexuel n’est alors plus qu’un moyen au service de l’autre.

Dans le cas de la robotsexualité, seuls les désirs et pouvoirs de l’être humain s’expriment

Quels liens faites-vous entre la théologie et ces problématiques?

L’une des missions de la théologie est justement de montrer comment les textes sacrés, datant de plusieurs millénaires, peuvent être réinterprétés pour répondre aux enjeux de nos contextes pluriels et actuels. Sur ce questionnement éthique en particulier, la théologie protestante nous propose sa vision de la sexualité dite positive (ou morale), dont l’un des points définitionnels est le sacro-saint principe du désir amoureux réciproque. De fait, sachant que le robot ne saurait exprimer librement ce désir qui le met en mouvement érotique vers l’humain, tout acte robotsexuel serait immoral et, partant, théologiquement insoutenable.