La culture de la pureté remise en question

Louise Chabanel / ©DR
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Louise Chabanel
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La culture de la pureté remise en question

Pureté
Lors d’un récent colloque à Lausanne, Louise Chabanel a expliqué comment la préservation de la chasteté avant le mariage hétérosexuel, une norme centrale dans le milieu évangélique, circule entre les Etats-Unis et la France.

Dans les années 2000, des discours évangéliques américains valorisant la chasteté sont largement repris par la pop culture: bals de pureté, anneau de pureté… Familière des milieux évangéliques, Louise Chabanel s’intéresse à ce sujet. Dans un travail de master, elle explore les discours de genre et de sexualité évangéliques sur YouTube et prend conscience de l’influence de ces contenus américains en France. Pour sa thèse, elle cherche à comprendre comment cette culture de la pureté développée aux Etats-Unis se retrouve dans les discours francophones. Sa méthodologie repose sur des analyses de discours et de la littérature, mais aussi des entretiens individuels dans quatre communautés évangéliques en France et aux Etats-Unis.

Qu’est-ce que la culture de la pureté?

On distingue la culture et le mouvement de la pureté. Ce dernier est assez circonscrit dans le temps. Il émerge aux Etats-Unis, entre les années 1990 et 2010, dans un contexte de déconstruction de certaines normes sexuelles. Le milieu évangélique réaffirme alors l’un de ses principes fondamentaux: la préservation de la sexualité pour le mariage hétérosexuel. Mais il le fait avec de nouveaux outils: l’anneau de chasteté, qui permet d’afficher qu’on ne souhaite pas de relations sexuelles hors mariage, voire le «mariage» symbolique avec son propre père pour les jeunes filles.

Ce mouvement a été profondément remis en question. Des études scientifiques ont mis en relation ces discours normatifs, les interdits liés à la sexualité prémaritale (en particulier pour les jeunes femmes) et leurs effets sur la santé: troubles psychologiques et de santé sexuelle… En ligne, des voix encore marginales commencent à émerger pour critiquer ce phénomène. Au Québec, le sociologue Benjamin Gagné montre que l’exposition à cette culture de la pureté est un des creusets de la déconstruction de l’évangélisme.

L’une de mes pistes est que la sexualité est un lieu de séparation entre la communauté croyante et la société civile.

Pourquoi cette norme est-elle si fondamentale?

C’est la question à laquelle je cherche à répondre. L’une de mes pistes est que la sexualité est un lieu de séparation entre la communauté croyante et la société civile. Conserver son contrôle, pour une institution, c’est permettre de se différencier de la société et préserver sa distinction.

Cette culture a-t-elle disparu?

Pour le moment, mes analyses montrent une reformulation des normes, mais pas une remise en question de tout le système. Les discours tendent certes à être reformulés pour faire des «péchés sexuels» des «péchés» parmi d’autres. Mais dans la pratique, la «pureté sexuelle» et l’abstinence restent des normes centrales dans la façon dont les évangéliques, surtout les jeunes, vivent leur foi.

Quelle est l’influence de cette culture ici?

Outre internet, la littérature joue un rôle central: une majorité de livres évangéliques francophones sur la sexualité sont des traductions d’ouvrages américains. Ils servent de base à des discours de leaders, lors d’événements, de conférences: on retrouve certaines expressions mot pour mot. L’enjeu pour moi est de pouvoir quantifier cette influence.

La recherche

Titre de travail: «La pureté chez les évangéliques: transferts culturels entre la France et les Etats-Unis».

Domaine: Sociologie (Ecole pratique des hautes études) et études anglophones.

Maître de recherche: Séverine Matthieu et Nathalie Carron.

Parution: 2025, travail de doctorat (thèse).