«Repenser totalement notre posture»

«Repenser totalement notre posture» / © Katrin von Niederhäusern
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«Repenser totalement notre posture»
© Katrin von Niederhäusern

«Repenser totalement notre posture»

Sophie Wahli-Raccaud
Sophie Wahli-Raccaud forme des pasteur·es à l’innovation auprès de l’Office protestant de la formation. Sa méthode, le design thinking (qu’on pourrait traduire par «conception créative»), insiste sur l’écoute des besoins des utilisateurs et les tests. Explications.

Que veut dire «innover» pour une institution comme l’Eglise protestante?

Réfléchir aux activités réalisées pour permettre d’impliquer de nouvelles personnes. Tant le Manuel d’innovation communautaire publié ce mois que les cours d’innovation en Eglise proposent des outils pour cela.

Innover n’est-il pas contraire à la logique même de toute institution?

Peut-être, mais nous n’avons pas le choix. Le pacte entre Eglise et société a été transformé, pour une série de raisons. Les protestants doivent désormais justifier leur présence dans l’espace public. Nous n’avons pas juste à renouveler nos modes de présence, mais aussi à réinventer la manière dont nous sommes perçus. Il s’agit de repenser totalement notre posture.

Comment se transformer tout en gardant son identité?

Il s’agit de trouver une manière différente de communiquer, d’entrer en relation, de rejoindre les intérêts actuels des gens. Toute la préoccupation autour de la nature et de l’écologie, par exemple, permet à l’Eglise de devenir un partenaire de la société, de proposer des choses inédites, des réflexions qui nourrissent l’action. Les propositions nouvelles faites par l’Eglise, son offre traditionnelle peut aussi être renouvelée. Les entretiens réalisés durant notre formation à l’innovation ont révélé que, pour bien des gens, l’espérance est un mot creux qui ne signifie rien. Il en va de même pour de nombreux termes liturgiques. Inviter à s’investir parle plus qu’inviter à espérer.

Comment «proposer de nouvelles choses»?

En réalisant des entretiens avec le public ciblé, on écoute ce qui est important pour lui en matière de spiritualité, d’attentes concrètes, de vécu collectif ou communautaire. Et l’on repense son offre en fonction. Par exemple, aujourd’hui, on ne laisse plus son enfant en garderie avec n’importe qui. Il faut donc concevoir des activités à différents niveaux, qui impliquent adultes et enfants.

Ecouter les besoins, cela provient-il du design thinking?

Oui, cette méthode est utilisée en entreprise et dans les milieux associatifs. Il s’agit de cibler des groupes pour recueillir l’avis d’un échantillonnage de personnes avant de mettre en oeuvre une décision. On crée donc des activités en phase avec les besoins des publics concernés – publics compatibles avec nos propositions, évidemment. Cela donne des offres d’évangélisation implicites, de solidarité, de proximité, de relations sans condition…

Comment se positionner pour ne pas être dans l'implicite, et assumer son identité chrétienne?

La transparence est la base. Il faut rester clair sur le fait que les propositions émises relèvent de l’Eglise réformée, que son code de conduite et ses valeurs seront appliqués: confidentialité, protection des données… Le géocaching (jeu de chasse au trésor par GPS, NDLR) créé par des gens d’Eglise à Lausanne a ainsi dû trouver une app permettant d’expliquer au public que ce jeu émanait d’une institution ecclésiale – la plupart de ces outils interdisent aux organisations religieuses de proposer des parcours.

Comment faire face aux réfractaires au changement?

Valoriser ce qui permet la participation, être fier de ce qui est ouvert et de ce qu’on peut déjà partager. Aussi, sensibiliser les personnes actives dans l’Eglise: quelles sont les personnes qui leur tiennent à coeur dans leur entourage, que l’on arrive à atteindre par le biais de ces activités?

Sophie Wahli-RaccaudSophie Wahli-Raccaud, responsable de la formation continue des ministres à l'OPF.