L’impôt au cœur du problème du surendettement

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L’impôt au cœur du problème du surendettement

18 juillet 2018
L’impôt à la source serait une solution simple pour éviter de nombreuses situations de surendettement. Le Centre social protestant — Vaud reprend à son compte cette revendication. La proposition ne fait pas l’unanimité.

«Les dettes fiscales sont majoritaires sur l’ensemble des créances des ménages surendettés», rappelle le Centre social protestant — Vaud (CSP-VD) dans la dernière édition vaudoise de Nou[s]velles, la feuille d’infos des CSP. Faisant sienne une revendication de la faîtière Dettes conseil Suisse, le CSP-VD revendique que l’impôt puisse être prélevé directement sur le salaire des Suisses et détenteurs de permis C volontaires. L’impôt à la source, déjà pratiqué pour les étrangers autres que permis C travaillant en Suisse serait la solution idéale pour éviter que les salariés ne tombent dans l’engrenage du surendettement. Un risque qui touche particulièrement les personnes entrant dans le système de l’impôt classique, à savoir les jeunes majeurs et les personnes obtenant le permis C.

«L’idée, c’est que cette mesure serait appliquée sur une base volontaire, insiste Bastienne Joerchel Anhorn, directrice du CSP-VD. Les personnes qui refuseraient cette mesure pourraient continuer à payer leurs impôts de manière classique.» L’impôt à la source permettrait cependant d’éviter un trop grand décalage temporel entre la perception des revenus et le calcul du montant de l’impôt alors que la situation d’une personne peut évoluer très vite. C’est du moins ce que constate le CSP-VD qui parmi ses prestations propose une aide aux personnes en situation d’endettement.

Un système trop compliqué

Le système serait par ailleurs trop compliqué. «Beaucoup de personnes que nous rencontrons ne comprennent pas comment cela fonctionne. Et le problème du décalage temporel ne facilite pas la compréhension de leur situation par les personnes imposées», constate Caroline Regamey, chargée de politique et de recherche sociales au CSP-VD.

«Dès 18 ans, les jeunes en apprentissage et aux études, avec ou sans revenu, ignorent souvent qu’ils ont l’obligation de remplir une déclaration d’impôt. Par méconnaissance, de nombreux jeunes négligent de le faire et s’exposent à recevoir des amendes en cas de taxation d’office», reconnaît Marianne Cornaz, déléguée à la communication de l’Administration cantonale des impôts (ACI). «L’ACI est sensible à la thématique du surendettement. Pour sa campagne d’information 2018, l’ACI a ciblé les jeunes. Les directeurs de région fiscale et leurs collaborateurs se sont rendus dans des centres professionnels et des gymnases pour sensibiliser les jeunes à ces questions le printemps dernier», complète-t-elle.

La proposition ne fait pas l’unanimité

Pas question toutefois pour l’ACI de se prononcer sur une question politique comme l’ouverture à tous de la possibilité d’être imposé à la source. Le socialiste Samuel Bendahan pour sa part, ne se dit «pas favorable» à cette mesure qui pose des problèmes de confidentialité des données pour les contribuables et du travail supplémentaire pour l’employeur. «Il serait plus simple que l’ACI soit plus strict sur le prélèvement des acomptes. Et ce n’est pas une bonne idée de faire de l’impôt une dette prioritaire par rapport à d’autres.»

Des arguments partagés par Laurine Jobin secrétaire générale du Parti libéral-radical vaudois qui note en outre que «les gens ayant de la peine à nouer les deux bouts préférent sans doute recevoir l’intégralité de leurs revenus… Seuls les gens n’ayant pas de problème de trésorerie y trouveraient un avantage. La question est donc de savoir si la mesure proposée serait adaptée au public visé.» En outre, elle rappelle que pour le travail de collecte de l’impôt à la source, l’employeur est rémunéré à hauteur de 2% environ, ce qui représente de fait une hausse d’impôt.

«Le principe est donc envisageable, même si sa mise en œuvre relève plusieurs défis. La question est ensuite de savoir si cette mesure ne devrait pas s’inscrire dans une refonte profonde de notre système fiscal. En bref, le PLR Vaud serait intéressé et disposé à étudier la chose. Quant à savoir s’il y serait favorable, je ne suis pas en mesure de vous répondre aujourd’hui, car notre réponse dépendra des modalités d’application», résume Laurine Jobin

Le manque d’accompagnement

«Le vrai problème c’est le manque d’accompagnement des citoyens», insiste Samuel Bendahan. «On connaît tous le problème de l’administration que l’on a oublié de prévenir d’un changement de domicile. On ne peut pas penser à tout, il y a trop d’interaction. Et le guichet unique serait une solution! Toutes les administrations cantonales, fédérales ou communales représentées au même endroit. Le citoyen pourrait faire le tour des démarches à entreprendre et être conseillé par une personne unique. On serait sûr ainsi de ne rien oublier. On aurait même pu imaginer que la poste avec son vaste réseau puisse jouer ce rôle.» À défaut, le Conseiller national rêve de la mise sur pied de sites web permettant de résumer l’ensemble des démarches dans diverses situations de vie.

Un système qui favorise les dettes fiscales

Mais la directrice du CSP-VD, dénonce un autre élément qui empêche la sortie de la spirale de l’endettement: la non-prise en compte de l’impôt en cours dans le calcul du minimum vital: ainsi lorsqu’une procédure de poursuite conduit à une saisie sur salaire, les impôts courants du débiteur ne sont pas pris en compte dans le calcul du montant dont il a besoin pour vivre. «La personne endettée ne peut donc pas payer ses impôts et accumule de nouvelles dettes fiscales!», dénonce Bastienne Joerchel Anhorn.