Quelle place pour les couples mixtes?

Thibaud Rossel a rencontré Alice Adabra lorsqu’il était envoyé au Togo. Ils vivent en Suisse où Alice poursuit un master en durabilité à l’Unil et Thibaud recherche un emploi dans le domaine de la coopération. / ©DR
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Thibaud Rossel a rencontré Alice Adabra lorsqu’il était envoyé au Togo. Ils vivent en Suisse où Alice poursuit un master en durabilité à l’Unil et Thibaud recherche un emploi dans le domaine de la coopération.
©DR

Quelle place pour les couples mixtes?

Rencontre
A Lausanne, l’association DM – à l’origine Département missionnaire des Eglises réformées romandes – fête ses 60 ans. A son bilan, indirectement : une série de couples mixtes. Une richesse pour l’organisation.

En 2019, Thibaud Rossel, envoyé par DM au Togo, travaille pour le Service chrétien d’appui à l’animation rurale (Secaar) sur un projet agricole en partenariat avec une autre ONG locale. Au sein de celle-ci, son interlocutrice est Alice Adabra, qu’il croise tous les mois. Les deux spécialistes s’entendent bien, et bientôt forment un couple.

A priori, dans un contexte professionnel, la situation paraît banale. Et presque prévisible, pour Thibaud: «Je savais que dans ce type d’échanges, beaucoup de personnes revenaient à deux. Autour de moi, en Eglise notamment, j’ai vu une série de couples formés de la sorte. Et pour ma part, j’ai toujours voulu épouser une non-Suisse.»

Aujourd’hui de retour en Suisse, les deux professionnels sont conscients de la richesse qu’offre leur couple pour le travail de coopération internationale. «Au Togo, j’ai pu dire à Alice des choses que je n’aurais pas demandées à mes collègues. Elle a pu m’apporter son point de vue sur des situations d’incompréhension», détaille Thibaud. «Et j’ai compris certains codes culturels en me rendant en Suisse», explique la jeune agronome. Parce qu’elle est un espace privilégié de dépassement des préjugés, qu’elle favorise la compréhension mutuelle en profondeur, la relation de couple permet un décodage culturel accéléré.

Douze couples en treize ans

Chez DM, le tiroir qui renferme le fairepart de mariage de Thibaud et Alice en compte bien d’autres. Depuis 2010, douze unions ont eu lieu dans le cadre des échanges qu’organise l’association, qui envoie chaque année une trentaine de personnes du nord vers le sud (seules ou en famille). «Des unions ont aussi eu lieu entre deux envoyé·es DM ou entre un·e envoyé·e DM et un·e autre expatrié·e», explique Valérie Maeder, coordinatrice de l’échange de personnes.

A ce jour, DM «ne dispose pas de directive par rapport à ce qui est autorisé ou non et n’a pas l’intention de s’y pencher prochainement», explique Nicolas Monnier, directeur de la structure. Le code de conduite actuel pour les employés s’inscrit plutôt dans une politique de lutte contre les abus. Et le règlement des envoyés, lorsqu’il évoque le couple, le fait davantage pour accompagner les conjoints de ceux-ci (restant en Suisse alors que leur partenaire est à l’étranger). Mais le texte insiste sur le fait que le rôle du conjoint, «son soutien moral et son implication», est «essentiel dans la réussite de l’envoi»; il incite les envoyés à faire part de leur statut matrimonial lors de leur projet de départ. 

Soutien

Lors d’unions nées en cours de projet, DM apporte toutefois un soutien aux personnes concernées, proposant par exemple de prolonger le contrat des envoyés, ou des contrats de couple lorsque le poste correspond au profil recherché et que les personnes vivent en ménage depuis deux ans au moins. «Sans cela, j’aurais eu beaucoup de difficultés à obtenir mon premier visa pour la Suisse. Au Togo, il est difficile d’avoir un visa pour l’Europe si l’on n’est pas marié ou si l’on n’a pas un travail stable dans une organisation internationale, par peur de l’immigration illégale», explique Alice.

Mais le contrat de couple a ses limites, notamment lorsque les deux conjoints sont amenés à travailler côte à côte. «On ne pense pas le refaire si l’on travaille sur les mêmes projets», témoignent de concert Thibaud et Alice, échaudés par les quiproquos que cela peut créer parmi les collègues… Ou les discussions professionnelles qui s’invitent sans limites à la maison! 

Célébration pour les 60 ans de DM, 18 novembre 2023, 16h, à la cathédrale de Lausanne.

www.dmr.ch/60ans