Comment le protestantisme comprend la spiritualité

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Comment le protestantisme comprend la spiritualité

Santé
Elio Jaillet, pasteur en formation à Nyon et chargé de questions éthiques pour l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS), a soutenu un doctorat autour de la notion de spiritualité d’un point de vue protestant.

C’est un paradoxe qui a poussé Elio Jaillet à se pencher sur la notion de spiritualité. Il observe que le terme est adopté très positivement et pensé par une série d’acteurs dans le domaine de la santé. A l’origine de sa diffusion dans ces milieux, on trouve entre autres des protestant•es, «par exemple des aumônières et aumôniers», explique le jeune chercheur. Mais curieusement, les Eglises, qui se positionnent comme «pourvoyeuses reconnues de spiritualité», sont dépourvues d’une réflexion théologique propre en la matière. 

La vie menée devant Dieu

En cause, une théologie protestante francophone encore assez «embryonnaire et disparate sur le sujet», poursuit Elio Jaillet. Dans la réflexion germanophone, une approche chrétienne plus précise a émergé, où la spiritualité, «c’est la vie menée devant Dieu, qui trouve sa base, sa motivation, son origine dans l’action de Dieu qui agit à travers l’Esprit saint et la Parole», résume le théologien. Quel est l’enjeu de construire une définition francophone et réformée de la spiritualité ? «Lorsque l’on évoque ce terme, on parle de ce qui nous constitue en tant qu’êtres humains. C’est donc presque un enjeu politique, parce que ce que l’on met derrière ce mot a un impact sur la manière de vivre ensemble. Pour une communauté religieuse, cela revient à négocier les conditions de collaboration autour de ce champ, à discerner à quelles démarches on peut prendre part ou non, en fonction d’une position articulée et réfléchie.»

Ce qui ‹se passe› entre nous et avec nous en tant qu’êtres humains et qui en même temps nous dépasse.

Tension et création

Pour avancer dans sa définition, Elio Jaillet a examiné les «points de frottement» entre des conceptions de la spiritualité existantes, entre autres au sein d’institutions du secteur de la santé, et celles de monographies contemporaines (Corinna Dahlgrün, Simon Peng-Keller, Gilles Bourquin…). «J’ai tenté de replacer ces tensions dans la perspective plus large de la foi chrétienne. Il m’a donc fallu retourner au texte biblique et à la tradition doctrinale, redéployer l’histoire du Salut». Le tout pour «digérer» ces tensions et arriver à une compréhension de la spiritualité offrant des résonances entre sa dimension dogmatique et ses usages contemporains. L’une des tensions centrales vient du fait que le «flou» joue un rôle important dans une compréhension répandue de la spiritualité. Alors que du côté protestant «il y a cette affirmation forte selon laquelle l’accomplissement de l’identité personnelle provient de Dieu. Il y a spiritualité là où le Dieu trinitaire agit». Parmi ses découvertes, le jeune chercheur note que «quelque chose de l’ordre de la transformation se joue dans la référence que l’on fait à la spiritualité: j’y ai ma part, mais tout ne vient pas de moi». Mais aussi que finalement « ’un des défis principaux, quand on essaye de discerner la spiritualité, n’est pas d’arriver à une clarification définitive! Il s’agit plutôt d’énoncer une parole théologique publique qui, tout en posant une affirmation profilée au sujet de l’existence humaine, ne vise pas à mettre un point final à la discussion». 

Recherche

Intitulé: «De Pâques à la vie selon l’Esprit. Une compréhension protestante de la spiritualité. Enquêtes, détours et propositions».

Domaine: Théologie systématique, Faculté de théologie de l’Université de Genève.

Directeur de thèse: Professeur Christophe Chalamet. Parution:

Parution: Soutenance à l’été 2023. Parution sous format grand public prévue à la rentrée 2024.