Il met en garde contre les dérives d'un jeûne pratiqué à tort et à travers, sous le coup de la mode relancée par le courant charismatique. Redécouverte d'un ancien art de vivre."Pourquoi payer pour ne rien manger durant toute une semaine ?" De prime abord, il y a de quoi s'étonner en découvrant le montant des stages d'initiation à la technique du jeûne de longue durée annoncés pour cet automne et cet hiver à Crêt-Bérard dans le canton de Vaud, au Centre de Sornetan dans le Jura bernois et au Centre du Louverain aux Geneveys-sur-Coffrane (NE).

"La démarche du jeûne va à l'encontre de nos habitudes de consommateur, explique Harri Wettstein, philosophe chrétien qui s'est embarqué dans la grande aventure du jeûne spirituel et s'en est trouvé régénéré, réconcilié avec lui-même, affermi dans sa foi, mais aussi plus réceptif aux odeurs, aux couleurs et aux bonheurs de la vie.

"Se priver de nourriture pour mieux vivre par la suite peut être subversif dans notre société de pléthore. Les gains ne se comptent pas en biens matériels mais en bien-être".

§A quoi ça sert?Le jeûne fait partie d'un renouveau spirituel et permet une transformation intérieure. "En jeûnant correctement, la sensation de faim disparaît au bout de deux jours, assure le philosophe, et de surcroît, nous sentons des énergies insoupçonnées s'allumer dans notre corps. Le jeûne est idéal avant de prendre une grande décision, choisir de donner une nouvelle orientation à sa vie. Il permet de voir plus clair en soi".

Le jeûne est pratique courante dans la plupart des religions. Il renaît aujourd'hui partout en Europe, sous plusieurs formes, bibliques ou non, surtout en Allemagne et dans les milieux charismatiques. Il est aussi pratiqué à la Communauté protestante de Grandchamp à Areuse et à Notre-Dame de la Route à Villars-sur-Glâne (FR). C'est une démarche qui ouvre les yeux sur la création, qui (ré)apprend que la vie, quelle qu'elle soit, est un don. Le dénuement volontaire permet de se confronter à ses résistances mentales, à tous les refoulements qui empêchent l'épanouissement. Il permet de chercher la paix avec soi-même, donc la paix avec Dieu.

"De quoi ai-je vraiment faim?" La question vient tout naturellement en période de jeûne, où lel'estomac et les intestins sont en vacances en quelque sorte. On découvre peut-être ce quelque chose qui manque et qui est de l'ordre du relationnel, du spirituel, de la confiance en Dieu. Le jeûne de longue durée rappelle l'expérience du Christ lui-même, qui nous dit que "l'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu".(Mt.4:4)

§Gare aux piègesHarri Wettstein met en garde contre les pièges d'un jeûne fait sur un coup de tête. Il doit impérativement faire du bien au corps, en aucun cas le meurtrir ou le punir. Gare à l'anorexie, aux fixations sur le corps qui guettent les jeûneurs réguliers, aux attitudes d'orgueil. Pas question d'en faire une prouesse qui flatte le narcissisme, du style: "j'ai réussi à tenir 20 jours".Il n'est pas non plus indiqué de vouloir forcer la main de Dieu, de lui arracher une faveur mais tout simplement de se relier à lui.

Au cours des initiations au jeûne en groupe, le rite de la table est gardé comme symbole du partage amical entre les hommes. "La dimension altruiste et solidaire devrait être inséparable de la pratique du jeûne" insiste encore Harri Wettstein qui rappelle les paroles du patriarche Athanase d'Alexandrie, au 4ème siècle après J.-C.: "Chérissons le jeûne: car il est la grande sauvegarde, avec la prière et l'aumône. Il délivre l'homme de la mort".

§R. Harri Wettstein, Le jeûne pour la vie, un guide spirituel pour le jeûne chrétien de longue durée. Éd. Saint -Augustin