Des femmes luttent contre la vendetta qui sévit en Albanie

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Des femmes luttent contre la vendetta qui sévit en Albanie

24 janvier 2002
En Albanie, la vendetta est devenue une plaie qui n’épargne ni les femmes ni les enfants condamnés à rester cloîtrés chez eux, privés d’école et de contacts sociaux
Au lendemain de l’effondrement du communisme au début des années 1990, les Albanais ont ressorti un code patriarcal et tribal moyenâgeux qui incite à faire justice soi-même et à laver dans le sang l’honneur des familles. Des femmes courageuses ont décidé de briser la spirale de la violence et de faire cesser la terreur. L’une d’entre elles, Fabiola Laço-Egro, de passage en Suisse, présente le projet anti-vendetta, soutenu par l’Entraide Protestante Suisse (EPER).

§(Photo de Fabiola Laço-Egro à disposition à la rédaction)§ Fabiola Laço-Egro a un beau visage de tragédienne antique. Licenciée en littérature albanaise, ancienne responsable médias dans le plus grand syndicat indépendant du pays sous le régime communiste, elle est cofondatrice de l’organisation Useful to Albanian Women (UAW), à l’origine du projet de lutte contre les vengeances familiales par le sang. En France, ce projet a valu à l’organisation la médaille 2000 des Droits de l’Homme. Un encouragement pour celles qui ont décidé de faire cesser la terreur qui règne principalement dans le nord du pays. Elles veulent éviter à leurs enfants d’être obligés d’assumer un rôle de victimes qui les incite par la suite à devenir eux-mêmes des criminels.

« Autrefois, explique Fabiola Laço-Egro, les femmes et les enfants étaient exclus de la revanche et étaient protégés par les antiques lois du Kanun, cette antique loi qui a été exhumée du passé pour combler l’absence de justice et les lacunes du pouvoir, mais aujourd’hui plus personne n’hésite à les abattre. C’est pourquoi beaucoup sont obligés de vivre retranchés dans leur maison ».

Les femmes ne peuvent plus travailler, ce qui les plongent dans une extrême pauvreté, et les enfants ne vont pas à l’école de peur d’être abattus.

§Campagne de spots contre les crimes de sang Le projet anti-vendetta touche 600 enfants enfermés dans leurs ghettos domestiques. Des assistantes sociales et des enseignantes font la tournée des foyers dans le nord du pays, plus particulièrement touché par cette pratique barbare dont l’Etat ne se soucie pas. Par ailleurs, l’organisation des femmes albanaises a obtenu que la télévision diffuse un programme d’enseignement de l’albanais, des mathématiques, des règles sociales et civiques, accompagné d’une campagne de conscientisation sous forme de spots télévisés et d’affiches porteuses de slogans qui disent: « Plus de vengeance par le sang ! Nous vivons dans un Etat moderne, trouvons des solutions progressistes ».

« La corruption a tout gangrené, l’Etat est dans un état de déliquescence avancé, explique encore la présidente de l’UAW, l’anarchie règne partout, les hommes sont aveuglés par le besoin de se venger. Tout est prétexte à vengeance : l’arnaque gigantesque d’un jeu de l’avion auquel une grande partie de la population a participé au lendemain de la chute du communisme, les carences de l’Etat, l’absence de justice, le développement d’un capitalisme sauvage, mais aussi les ce qui est considéré comme des atteintes à l’honneur d’une sœur, d’une fille, d’une femme, l’assassinat d’un proche lui-même soupçonné d’être un criminel. Les hommes sont au chômage et passent leur temps à graisser leurs armes sous le regard des enfants qui ne connaissent rien d’autre que la violence. A l’heure où le Ministère de l’Education nie le problème, changer les mentalités relève du défi. »

Dans le regard de Fabiola Laço-Egro, on lit une détermination farouche. Elle se démène pour récolter des fonds, mais surtout pour apporter une aide pédagogique, psychologique et juridique aux familles touchées par le fléau de la vendetta et pour redonner aux jeunes Albanais un avenir.

Après neuf mois d’activités, le projet a été évalué positivement en collaboration avec différentes institutions locales et une équipe de scientifiques, ce qui a fini par faire réagir le ministère de l’Education qui s’est enfin engagé à soutenir des projets identiques dans d’autres parties du pays.

§EPER, secrétariat romand, 17, boulevard de Grancy case postale 536, 1001 Lausanne

Dons pour le projet Vendetta, aide aux enfants concernés par l’enseignement et l’encadrement psychosocial, à verser au ccp 1390-5