A propos de 24 pierres angulaires

pierre angulaire / ©vrochat, cathédrale de Lausanne
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pierre angulaire
©vrochat, cathédrale de Lausanne

A propos de 24 pierres angulaires

8 avril 2024

                                                                                                                     

A propos de 24 pierres angulaires (« Réformés » avril 2024, p.24-25, et rapports en vue du synode des 19-20 avril 24)                                                                                   

Si j’ai bien compris, ces propositions visent une réorganisation assez importante du fonctionnement institutionnel de l’EERV. Ses grandes lignes proposent une clarification des rôles, une fusion de paroisses, celles-ci devenant des « communautés de paroisse », ceci afin d’atteindre à l’interne une masse critique suffisante pour faire vivre l’institution et la doter de ses cadres. Elle vise aussi la création de groupes de base intitulés « ecclésioles », lieux de vie sous diverses formes à reconnaitre ou créer pour nourrir ainsi la vie des paroisses recomposées.

Ces propositions de modifications sont assorties de toutes sortes de cheminements permettant des contacts rapprochés entre la base et le sommet : consultations, droit de référendum, etc. Il est mentionné une simplification du fonctionnement (notons que l’échelon régional disparait).

Merci à ceux qui ont travaillé à ce document à destination du synode et qui permettent de réfléchir ensemble. Et merci aussi pour l’important travail fourni par l’institut Strategos.

C’est très bien. Un peu long peut-être ? un peu détaillé ? il s’agissait de travailler sur la gouvernance et nous voici avec une refonte importante d’un système qui n’est pas si vieux que cela… et qui constitue la quatrième réforme institutionnelle depuis 40 ans…  (j’y reviendrai).

 

Pointons en toutes simplicité et j’espère bienveillance quelques questions qui me viennent à la lecture de ces rapports :

Je suis heureux que l’incipit rappelle en notes de bas de page le fondement : Jésus Christ. On pourrait toutefois (vu les enjeux) s’attendre à un développement théologique avec actualisation de la pertinence du message de l’Evangile pour notre temps et les aménagements ecclésiaux qu’il demande?

Heureux aussi de l’emploi dès l’abord de l’expression « pierre angulaire », en fait vingt-quatre pierres angulaires. En architecture, il n’existe qu’une pierre angulaire, et c’est elle qui va induire quasi toutes les dimensions de l’édifice… Vingt quatre est un peu beaucoup. En régime chrétien, nous savons qui est la fameuse pierre angulaire (Éph. 2.11-22 ;

1Cor. 3.10-11 ; 1 Pi. 2.4 ; Ps 118.22-23 ; Luc 20.17). Même remarque pour la construction des « murs » qui doivent logiquement s’élever pour construire la maison. La commission d’examen l’a fait remarquer, là aussi la révélation biblique nous invite plutôt à construire des ponts (et au passage de détruire les murs de séparation, Eph. 2, 14)

Poursuivons ces remarques générales. Si la référence au Christ consiste en une note de bas de page le rapport de l’institut « Strategos » est fournit in extenso sur plus de 90 pages. Ce rapport et excellent et incroyablement fouillé. Une question ne peut pas ne pas surgir : Où une église chrétienne va-t-elle chercher son inspiration et ses consignes ? dans les « éléments du monde » comme le dit Saint-Paul (Col2,20) ? Nous avons, dans notre tradition, largement assez d’éléments pour bâtir une ecclésiologie qui soit autre chose qu’un polaroid (aussi bon soit-il) de la situation actuelle.

Le rapport nous dit que chaque paroisse élargie sera dotée de trois ministres. Entre vingt cinq et trente entités, cela fait nonante ministres. Où seront les cent autres encore théoriquement disponibles ?   

 

Et on pourrait évidemment épiloguer encore sur de nombreux détails, toutefois tout ce qui précède est finalement assez négligeable face à une énorme question sous jacente à la totalité des propositions de ces deux rapports. Une énorme question qui n’est hélas pas nouvelle, mais d’une singulière actualité en notre époque.

 

Une réforme institutionnelle est-elle en mesure de faire naître la vie ? un plan sorti de têtes bien faites, aussi parfait soit-il va-t-il se muer en réalité ?

C’est extrêmement difficile. Toute institution est là pour consolider la vie, pour l’instituer, pour la garder. Pas pour la créer…

Or que voit-t-on avec ces vingt-quatre pierres angulaires ?

Assez exactement cela. Et le problème n’est évidemment pas dans la qualité de la démarche actuelle ou l’intensité et la probité de l’engagement des personnes, il est en logique avec l’institution. Avec toute institution quelle qu’elle soit.

Le problème est que depuis bientôt 50 ans, l’EERV ne cesse de se recomposer, investissant une formidable quantité d’énergie à l’interne, centrée sur elle, et ce faisant s’auto- combustionne : « Horizon 90 », « Eglise à Venir », « Eglise à Vivre » et … 24 pierres…

 

Seul un décentrement, une réelle rencontre des attentes et besoins spirituels et humains de nos contemporains serait en mesure de donner un avenir à notre type d’église multitudiniste et proche de l’Etat rappelons-le.  Seule la rencontre de tout un chacun : le fameux « être avec » pourrait éventuellement opérer. Le dossier « Repenser nos communautés » dans « Réformés » no 74, mars 2024, en fournit un chemin possible… ou mon essai « Le temps presse » Labor et Fides 2012 entre autres.

Le changement ne peut se passer que si l’on descend de notre piédestal et redéployons nos forces ministérielles au contact de la population. Que l’on construise avec les personnes rencontrées et intéressées des projets limités dans le temps planifiables et évaluables. Le système de gouvernance intitulé « principe de subsidiarité », à savoir celui de décider de tout ce qui concerne les projets chaque fois au niveau le plus basique et de déléguer à l’étage d’en-dessus tout ce qu’il ne peut assumer à son niveau. Cela donne de l’autonomie (donc de la responsabilité et de l’engagement) à la base et permet de coller aux problématiques réelles rencontrées sur le terrain concret et de renvoyer plus haut le souci de l’unité globale.

Cela aurait l’immense mérite de libérer de nombreux postes de travail dans la « hiérarchie » et de les attribuer au contact du terrain. De diminuer le poids administratif au profit de l’action concrète. Cela aurait aussi l’immense mérite de pouvoir lancer des projets avec les personnes rencontrées et d’utiliser au mieux les charismes de chacun. Et mener ainsi des opérations qui fassent se rejoindre les besoins du plus grand nombre avec un Evangile revisité pour notre temps ?

 

Bâtir des ponts sur la Pierre angulaire ? l'avenir est ouvert!

 

 

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