Depuis quelques années, la Fédération du Loto s'inquiète de la diminution des parties officielles de loto organisées par les paroisses. Une enquête sur le terrain a révélé révèle une réalité bien sordide: les aîné-es jouent à un tout autre type de loto.

Depuis quelques années, la Fédération du Loto s'inquiète de la diminution des parties officielles de loto organisées par les paroisses. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette réduction. La favorite était que les paroissiens et paroissiennes étaient passés à WoW (ndlr: World of Worships, un célèbre jeu vidéo en ligne massivement multijoueurs dans lequel des paroisses s'affrontent dans une lutte sans pitié pour la domination du budget et des postes ministériels).

Des cartes de vœux aux cartons de jeu

Une enquête indépendante mandatée par la Fédération a révélé une réalité bien plus sordide: dans la plupart des paroisses, les animations loto du club des aîné-es ont été remplacés par un jeu IRL (ndlr: acronyme pour Incognito Reformanda Ludens, ou "jeu réformé incognito").

On le sait, dans toute paroisse qui se respecte, les 70 ans et plus reçoivent chaque année une carte à leur anniversaire. Cette activité — mise sous pli et envoi — mobilise en moyenne 45% des forces et du budget des paroisses.

Or, contrairement à l'idée générale, il ne s'agit pas d'une carte de vœux, mais bien d'un carton de jeu: une grille de loto, accompagnée des règles du jeu et du classement des joueuses et joueurs sur les dernières décennies.

Des règles somme toute assez intuitives

Le carton comprend 15 nombres de 0 à 50. Pour cocher une case, une personne âgée doit rencontrer dans la paroisse une personne de l'âge en question et la décourager efficacement de revenir dans la paroisse.

Les règles stipulent les manières réglementaires de le faire:

• Regards sévère vers un parent d'un enfant agité lors d'un culte.
• Remarques sur l'apparence: tenue vestimentaire, coupe de cheveux, piercings, tatouages, etc.
• Toute phrase contenant "Les jeunes d'aujourd'hui" et "De mon temps".
• Tenir la jambe de la personne à moins de 5 mètres de la table des boissons pendant l'après-culte pour l'empêcher de se servir un verre (on parle de coke-blocking).
• 15 minutes de plainte ininterrompue sur ses petits bobos et soucis de la vie sans poser la moindre question ni s'intéresser à la personne en face.
• Raconter comment c'était mieux avant, quand les gens savaient se tenir et que les pasteurs faisaient du bon travail.
• Toute action qui empêche efficacement une nouvelle idée de se réaliser.
• etc.

La personne a une année pour cocher toutes les cases de son carton. Si elle parvient à cocher les cinq cases d'une ligne, elle s'arrange pour placer publiquement le mot "enquiquine" dans une conversation, afin de signaler aux autres sa progression.

Des enjeux de taille

Celles qui parviennent à remplir leur carton se voient offrir la sortie annuelle des aîné·e·s (en prenant sur le budget enfance qui n'est de toute façon pas utilisé), ainsi que l'autorisation d'utilisation de la salle de paroisse pour leur verrée d'anniversaire (ce qui permet dans la foulée de justifier le refus à l'église ethnique du coin).

Ce jeu semble avoir grandement revitalisé nombreux groupes d’aîné·e·s, qui trouvent une joie nouvelle à venir aux activités de la paroisse, et s'y sentent d'autant plus appartenir.

Cela crée au contraire des tensions chez les plus jeunes (les 60-70 ans), qui aimeraient aussi avoir le droit de jouer. Heureusement pour elleux, il semblerait qu'un jeu similaire existe dans les parlements, et prenne pour cible l'exécutif. Notre rédaction mène l'enquête et vous tiendra informés.